Source: Réseau canadien pour la santé des femmes
http://www.cwhn.ca/fr/node/41626
Tiré du Groupe de travail ad hoc sur les femmes, la santé mentale, la maladie mentale et la toxicomanie
La violence et les traumatismes, notamment la violence faite aux enfants, les sévices sexuels et la violence au foyer sont courants au Canada, où l’on estime que près de la moitié des femmes et le tiers des hommes ont vécu au moins un épisode de violence sexuelle ou physique. Bien que la violence familiale touche aussi bien les garçons que les filles, quatre victimes d’agression sexuelle en milieu familial sur cinq (79 %) sont des filles.
Dans The Connection Between Violence, Trauma and Mental Illness in Women, Heather Pollett écrit que la relation entre traumatisme et santé mentale est complexe. Toutes les personnes qui ont subi de mauvais traitements, que ce soit dans l’enfance ou à l’âge adulte, ne développent pas obligatoirement une maladie mentale. De même, toutes les personnes qui ont reçu un diagnostic de maladie mentale n’ont pas nécessairement vécu de sévices. Pourtant, la recherche a établi une importante association entre traumatisme, violence et santé mentale. Les personnes ayant rapporté des sévices physiques pendant l’enfance affichent des taux significativement plus élevés de troubles anxieux, de dépendance à l’alcool et de comportements antisociaux. Elles sont aussi plus à risque de présenter au moins un trouble que les personnes qui n’ont pas de tels antécédents.
Antécédents de mauvais traitements pendant l’enfance
Les recherches menées par H. MacMillan et al. (2001) ont révélé que les femmes qui avaient subi des sévices physiques présentent « des taux de dépression majeure et d’abus de drogues illicites ou de dépendance à vie beaucoup plus élevés que les autres ». Cette association n’a pas été relevée chez les hommes. Chez ces derniers, la prévalence de troubles avait tendance à être plus élevée chez ceux qui avaient rapporté avoir été victimes de sévices sexuels, mais seulement en association avec une dépendance à l’alcool. La relation entre des antécédents de sévices physiques pendant l’enfance et une psychopathologie à vie (maladie mentale ou troubles mentaux) varie donc grandement en fonction du sexe. Une relation semblable a été établie entre des antécédents de sévices sexuels pendant l’enfance et une psychopathologie à vie.
Des études épidémiologiques ont également montré que chez les personnes exposées à la violence, le risque de développer des troubles de stress post-traumatique est environ deux fois plus élevé chez les femmes, et que celles-ci présentent souvent toute une série de symptômes caractéristiques désignés par le terme d’« état de stress post-traumatique complexe ». Parmi les facteurs de vulnérabilité, on compte le fait que les femmes sont plus à risque d’être exposées à des comportements violents, aux influences de la société, au caractère sexospécifique attribué aux expériences traumatiques et aux influences hormonales.
Les raisons de taire son passé
Les raisons pour lesquelles les hommes et les femmes ne parlent pas de leurs traumatismes personnels, notamment de la violence sexuelle qu’ils ont subie pendant l’enfance, sont variées. Des études montrent que les hommes hésitent à raconter leurs expériences passées parce qu’ils ont peur d’être considérés comme homosexuels et comme victimes. Pour leur part, les femmes éprouvent des sentiments conflictuels de responsabilité, car elles ont souvent l’impression que celle-ci sera rejetée sur elles ou qu’on ne les croira pas.
Effets de la violence et traitement
Pour les femmes, les problèmes les plus couramment associés à l’expérience de la violence sont notamment : la dépression, l’anxiété, les troubles de stress post-traumatique, les troubles de la personnalité, les troubles dissociatifs de l’identité, les psychoses et les troubles de l’appétit. Chez les hommes, de mauvais traitements pendant l’enfance ont été associés à des problèmes de consommation d’alcool. Les femmes font trois à quatre fois plus de tentatives de suicide que les hommes (quoique les hommes réussissent plus souvent que les femmes). L’Association canadienne pour la santé mentale (Ontario) relève qu’il existe une corrélation importante entre l’expérience de sévices sexuels et le nombre de tentatives de suicide au cours d’une vie; elle est deux fois plus forte chez les femmes que chez les hommes.
Heather Pollett écrit que les traitements en santé mentale proposés aux victimes de violence, à l’image des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, reposent principalement sur un modèle biomédical (axé sur les facteurs biologiques et génétiques de la santé mentale plutôt que sur des déterminants sociaux tels que la pauvreté, le logement, la stigmatisation et les expériences de violence passée). Les femmes nécessitant des services de santé mentale reçoivent souvent un diagnostic et un traitement inadéquats ou se voient refuser l’accès à ces services parce que leur comportement est soit mal compris, soit stigmatisé.
L’auteure écrit aussi que le diagnostic de trouble de la personnalité limite (borderline), par exemple, concerne des femmes trois fois plus souvent que des hommes. Les femmes ayant reçu ce diagnostic risquent de traverser des crises et de recourir aux ressources de santé plus souvent que les hommes, car le trouble de la personnalité limite est considéré comme difficile à traiter. On a démontré que le fait de ne pas reconnaître les traumatismes comme facteur est susceptible de faire augmenter le risque de violence ou même de suicide chez les femmes atteintes de ce trouble. Un mauvais diagnostic et un traitement inapproprié peuvent aussi renforcer des comportements autodestructeurs comme l’utilisation de drogues et d’alcool.
Comportements criminels violents
Les hommes et les femmes souffrant de problèmes de traumatisme, de santé mentale et de toxicomanie et dont la prise en charge est inadéquate risquent de passer entre les mailles du filet et de se retrouver dans le système pénal. Selon une étude, la relation de cause à effet entre les mauvais traitements et le délaissement au cours de l’enfance et les comportements criminels violents suit une évolution différente chez les hommes et chez les femmes. Chez les hommes, ces facteurs ont un effet direct sur l’agressivité, mais aussi un effet indirect, dont l’alcool; chez les femmes, par contre, on n’a relevé qu’un effet indirect.
Au Canada, 82 % des femmes qui purgent une peine fédérale ont rapporté avoir subi des sévices sexuels ou physiques par le passé; ce taux atteint 90 % chez les femmes autochtones. La Société Elizabeth Fry rapporte que les femmes qui purgent une peine fédérale sont plus nombreuses que les hommes à avoir reçu un diagnostic de maladie mentale et que leurs problèmes tendent à être différents. Par exemple, les femmes incarcérées dans des établissements correctionnels fédéraux présentent un taux plus élevé d’automutilation et de tentatives de suicide que leurs homologues masculins.
Consommation de drogues
La consommation de drogues et les problèmes de santé mentale coexistent fréquemment chez les femmes qui ont connu des épisodes de violence, de traumatisme et de sévices. Ces facteurs se conjuguent et se renforcent mutuellement souvent de manière complexe et indirecte. Pour bon nombre d’entre elles, la consommation de drogues est une façon de faire face aux agressions et aux traumatismes infligés aux femmes. Dans Gender does matter: Coalescing on women and substance use,Nancy Poole rapporte que les problèmes d’alcool seraient jusqu’à 15 fois plus importants chez les femmes victimes de violence aux mains d’un partenaire sexuel que dans la population en général. Cependant, les prestataires de services et les responsables des politiques n’ont pas toujours pris les mesures nécessaires face à ces constats. Souvent, les organismes de lutte contre la violence familiale et les agressions sexuelles n’offrent pas de services aux femmes aux prises avec des problèmes de consommation, ce qui ajoute à leur vulnérabilité. Quant aux services spécialisés dans le traitement de la toxicomanie, il leur reste à intégrer les connaissances actuelles sur les traumatismes, à fournir de l’information sur leur importance dans le processus de rétablissement et à offrir des programmes individuels et de groupe.
Modèles de soins efficaces
L’absence de réponses sexospécifiques aux problèmes conjugués de la violence, du traumatisme, de la toxicomanie et de la santé mentale entraîne des coûts importants pour les services. Les victimes de traumatismes, hommes et femmes, sont susceptibles de surutiliser les salles d’urgence et les services d’hospitalisation psychiatrique ou de se retrouver dans le système pénal, conséquence d’un contexte non réceptif aux symptômes qu’ils éprouvent, qu’il s’agisse de santé, de politiques ou de programmes. Selon une étude, les femmes victimes de traumatismes sexuels durant l’enfance sont plus susceptibles de recourir aux services d’urgence. Ces visites représentent un coût annuel supérieur par rapport aux femmes non victimes; même lorsqu’on exclut les coûts liés aux soins de santé mentale, le coût des soins de santé reste élevé. De plus, tout indique que les femmes adultes victimes de traumatismes sexuels utilisent beaucoup plus les services de santé (visites plus nombreuses chez le médecin et coûts des services ambulatoires plus élevés) lorsqu’on les compare aux femmes victimes d’autres formes de violence.
L’application d’une analase des influences du genre et du sexe a permis aux réseaux de santé de mettre au point des modèles éprouvés afin de proposer des soins efficaces, intégrés et sexospécifiques aux femmes et aux hommes aux prises avec des problèmes liés à la violence, aux traumatismes, à la toxicomanie et à la santé mentale. Selon une étude (Women, Co-occurring Disorders and Violence Study, financée par la Substance Abuse and Mental Health Services Administration des États-Unis), les services intégrés qui offrent aux femmes un soutien sexospécifique et spécialisé, axé sur l’ensemble de ces problèmes, sont plus efficaces que les autres. En effet, ils favorisent davantage le rétablissement que les services habituels et leur prestation ne coûte pas plus cher. Les programmes sexospécifiques et sensibles à la culture proposés par la Warriors Against Violence Society de Vancouver en sont un exemple. Dispensés avec efficacité et compassion, ils ont aidé des hommes, des jeunes et des familles autochtones à reconnaître les causes profondes de la violence faite aux femmes et aux enfants au sein de leurs communautés et à réagir.
Le Groupe de travail ad hoc sur les femmes, la santé mentale, les maladies mentales et la toxicomanie est coordonné par le Réseau canadien des femmes et les Centres d’excellence pour la santé des femmes. Il réunit des chercheuses, des représentantes d’ONG et des intervenantes communautaires de première ligne actives dans le domaine de la santé mentale, des maladies mentales et de la toxicomanie chez les femmes au Canada.
Pour de plus amples renseignements, consultez le rapport intitulé
Les femmes, la santé mentale, les maladies mentales et la toxicomanie au Canada : tour d’horizonsur le site Web du Réseau canadien de santé des femmes à :
www.rcsf.ca